On peut tous être inconsciemment incompétent
Jusqu’à environ 40 ans, je n’avais jamais été formé à la communication interpersonnelle. Et, malgré cela, je pensais être doué sur le sujet et j’étais même plutôt fier de ma manière de communiquer avec mes collègues, mes amis et surtout ma famille. J’étais fier de mes certitudes et de ma franchise à les partager à tout le monde, y compris à ceux qui ne voulaient pas les écouter.
Pourquoi est-ce que j’avais autant d’assurance et de certitudes sur un sujet que je n’avais jamais étudié ? Parce que je ne savais pas que je ne savais pas. J’étais inconsciemment incompétent. J’avais une perception erronée de mon niveau sur ce sujet c’est-à-dire que je pensais être doué alors que je ne l’étais pas ou, en tout cas, pas autant que ce que je croyais.
Ce phénomène, qui a fait l’objet d’études réalisées par 2 psychologues américains, est connu sous le nom d’effet Dunning-Kruger. Il s’agit d’un biais cognitif qui se traduit par une incapacité à reconnaître objectivement son incompétence. Une de leurs conclusions est que « L’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que la connaissance ne le fait », comme l’avait affirmé Charles Darwin plus d’un siècle avant eux.
Il m’a fallu de nombreuses années pour prendre conscience de mon incompétence et ouvrir les yeux sur une réalité pourtant implacable dans laquelle ma relation avec mes amis se dégradait régulièrement. Mais c’est surtout mon incapacité à élever mes filles dans un climat serein qui m’a fait prendre conscience de mes erreurs et de mes lacunes.
Je suis alors devenu consciemment incompétent. Tout à coup, je savais que je ne savais pas. Et ça a été très douloureux. D’abord de prendre conscience et d’accepter mon incompétence mais aussi, et surtout, de l’admettre aux yeux de mon entourage d’autant que je défendais avec force ma compétence sur le même sujet quelques semaines auparavant.
Comme la situation était extrêmement inconfortable à vivre, j’ai commencé à me former, en participant dans un premier temps à des ateliers de parentalité positive (Faber & Mazlish) puis, dans un deuxième temps, en m’inscrivant à des stages de Communication Non Violente (CNV) de manière régulière.
Je suis alors devenu, avec le temps et de la pratique, consciemment compétent. C’est-à-dire que j’apprenais des habiletés de communication interpersonnelle pour améliorer mes relations avec mon entourage mais que je devais réfléchir à ma manière de les appliquer au quotidien. Ca a eu parfois des conséquences négatives lorsque des personnes ne me trouvaient pas naturel dans ma communication et étaient alors gênées voire contrariées.
Aujourd’hui, dans certaines situations (en particulier l’éducation de mes filles) ou avec certaines personnes (généralement celles qui m’ont peu ou pas connu il y a quelques années), je suis devenu inconsciemment compétent. C’est-à-dire que j’applique de manière naturelle les nouvelles habiletés que j’ai apprises ces dernières années.
Mais puisqu’il s’agit toujours de la perception que j’ai de mes habiletés en communication interpersonnelle, elle pourrait être erronée encore aujourd’hui comme elle l’a été il y a quelques années. Je me questionne donc régulièrement en demandant des feedback aux gens de mon entourage et, contrairement à ce que je faisais par le passé, en les acceptant.
Olivier Babando
Formateur certifié du CNVC (Center for NonViolent Communication)
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