La CNV, ça sert à rien en entreprise ! ... Vraiment ?
Préambule : Même si mon intention est que les besoins d’appartenance et d’inclusion soient nourris pour le plus grand nombre, j’ai fait le choix d’écrire ce post en écriture ordinaire et de ne pas utiliser l’écriture inclusive. Pour plus de détails sur ce choix, je vous invite à jeter un oeil au paragraphe en bas de cet article (*)
Il y a quelques semaines, j’ai écrit un post pour partager mon expérience sur les vertus de la CNV dans les relations personnelles et, en particulier, celles que l’on entretient avec nos enfants. Et ça m’a donné l’envie d’en écrire un autre similaire pour évoquer les vertus de la CNV dans les relations professionnelles et donner un éclairage à ceux, notamment, qui pensent que la CNV n’a pas sa place en entreprise. Puisqu’il est probable que certains d’entre vous n’aillent pas jusqu’au bout de ce post, je vous donne dès maintenant mon point de vue sur le sujet.
Oui, la CNV a toute sa place en entreprise et permet de dénouer les situations inconfortables (voire conflictuelles) en (re)créant des relations de qualité entre les collaborateurs au service de la performance de l’entreprise
Mais ça n’est que mon avis ou, plus exactement, ma conviction. Et le seul élément tangible que je peux apporter et, j’espère, vous (re)donner confiance en la CNV, c’est de témoigner de ma propre expérience. Et ma propre histoire, c’est 20 ans de carrière en entreprise dont 5 années avec la CNV. J’ai donc vécu l’entreprise sans la CNV … puis avec. Je peux donc témoigner des différences que j’ai pu observer mais aussi des changements et des bénéfices que la CNV apporte pour les avoir vu et vécu de manière progressive à mesure que je m’y suis formé.
La CNV n’est pas qu’un outil de développement personnel
Certaines personnes pensent que la CNV n’est qu’un outil de connaissance de soi et de développement personnel et n’a donc pas sa place en entreprise. Certes, mais ce n’est qu’une des facettes de ce processus.
La CNV est un outil d’ouverture aux autres qui permet de créer une collaboration constructive dans les équipes
La CNV est aussi un outil de connaissance de l’autre ou, plus exactement, d’ouverture aux autres. Et c’est également un processus qui permet de (se) mettre en mouvement, de passer à l’action et, par la qualité des relations interpersonnelles qu’elle permet de vivre, permet une collaboration et une coopération plus grande, qualité absolument essentielle, à mes yeux, dans le succès d’une entreprise et des équipes qui la composent.
Pendant longtemps, je ne savais pas comment rendre plus tangible et concret ma conviction concernant l’intérêt de la CNV dans les organisations. C’est le manager de la dernière équipe à qui j’ai eu le plaisir de faire découvrir et expérimenter le processus de la CNV qui m’a donné la piste qui, j’imagine, donnera plus de sens pour certains d’entre vous. Ce manager travaille chez Airbus et il m’a écrit à l’issue du stage auquel il a participé :
“ Beaucoup de thèmes abordés dans cet atelier CNV sont en adéquation avec le ‘Leadership Model’ d’Airbus ”
En m’inspirant de ce 'Leadership Model', que je connais par ailleurs très bien depuis des années et que je trouve très pertinent, je vais donc vous partager dans les prochains paragraphes quels liens il existe entre la CNV et le Leadership en entreprise.
Pour les personnes qui travaillent chez Airbus, je vous invite à vous référer au modèle que vous connaissez certainement et qui se veut être la cartographie du ‘Leader Parfait’. Pour les autres, il est probable qu’un modèle similaire existe dans votre entreprise parce que les valeurs qui y sont mises en avant sont celles que l’on peut retrouver assez régulièrement dans les nombreux posts sur le sujet publiés sur LinkedIn ou ailleurs. Et s’il n’existe pas de tel modèle dans votre entreprise, j’espère que ça vous donnera envie d’amorcer un échange sur le sujet avec vos collègues.
Quels sont les liens entre la CNV en entreprise et le Leadership ?
Que ce soit dans le modèle de Leadership d’Airbus ou d’autres similaires que certaines organisations essaient de promouvoir, les différentes postures du ‘Leader parfait’ sont nombreuses. Certainement trop nombreuses d’ailleurs, de mon point de vue, pour réussir à les réunir toutes chez la même personne. J’ai donc fait le choix de n’en choisir que quelques-unes. Celles qui, à mes yeux, ont le plus de sens dans la posture de leader et que j’ai aimé trouver chez certains managers ou collaborateurs qui m’ont inspiré dans ma carrière.
Un Leader doit connaître ses forces … et ses faiblesses
La première catégorie essentielle pour moi dans la posture de Leader concerne la connaissance de soi. Avec l’affirmation de soi et la confiance en soi, on a là tous les éléments de l’estime de soi.
Bien se connaître pour s’affirmer et agir en conscience me semble une qualité nécessaire à un Leader inspirant
De manière plus précise et plus concrète, le modèle de Leadership d’Airbus considère les éléments suivants comme nécessaire pour développer sa posture de Leader :
Assumer sa responsabilité
- Avoir le courage de prendre la parole et d'exprimer ses opinions
- Gérer les conflits et reconnaître ses erreurs
Faire preuve d'équilibre
- Avoir conscience de son niveau d’énergie et prendre soin de son équilibre entre vie professionnelle et vie privée
- Faire preuve d'authenticité
- Exprimer ses émotions en tenant compte des vulnérabilités et en respectant les autres
Apprendre en permanence
- Apprendre des autres et de ses erreurs
- Demander du feedback et agir en conséquence
- Développer continuellement (...) ses qualités relationnelles
Le 1er module de base de la CNV nous invite à travailler l’écoute de soi, appelée aussi auto-empathie. L’objectif est d’apprendre à nous connaître en s’entraînant à muscler notre habitude à transformer nos jugements - sur nous-mêmes et les autres - pour comprendre ce qu’ils disent de nous.
“Tout jugement est l'expression tragique d’un besoin non satisfait” (Marshall Rosenberg)
Prendre l’habitude de traduire nos jugements permet d’identifier nos besoins, qu’ils soient satisfaits ou non, et d’avoir avec l’expérience de plus en plus de clarté sur ce qui est important pour nous. Mais nos jugements ne sont pas les seules portes d’entrée vers nos besoins. Nos émotions et nos ressentis corporels sont aussi des indicateurs précieux de ce qui nous traversent au quotidien.
La CNV nous invite également à (re)prendre la responsabilité de ce que l’on vit et ressent mais aussi et surtout de ce que l’on fait de tout ça.
La CNV invite à passer du mode ‘réaction’ au mode ‘réponse’
La CNV n’empêche pas les événements d’arriver. En revanche, elle permet de les accueillir et d’agir en conséquence et en conscience. Elle invite à passer d’un mode automatique de réaction - généralement hérité de notre éducation et de notre histoire - à un mode conscient d’action.
La CNV propose enfin un changement de paradigme vers un monde dont les relations reposent sur la confiance et l’acceptation des erreurs. Et cette qualité de relation que la CNV permet de vivre permet de traverser les conflits avec plus de sérénité.
La CNV ne cherche pas à éviter les conflits mais invite à les voir comme des opportunités d’apprendre à partir de points de vue différents des nôtres
Un leader doit être inspirant
Une personne centrée et alignée avec une estime de soi élevée n’a pas besoin de cacher voire d’écraser les autres pour exister parce qu’elle est vue et reconnue pour ce qu’elle est autant que pour ce qu’elle fait. Elle est attentive aux autres et cherche à créer des liens de qualité et à collaborer.
Un leader a un impact positif sur les autres parce qu’il inspire les autres et fédère autour de lui
C’est, pour moi, un 2ème élément essentiel dans la posture de Leader dont le modèle d’Airbus met en avant les qualités suivantes :
Etre attentif aux autres
- Agir avec empathie et respect
- S'adapter aux personnes, aux situations, aux comportements …
Donner du sens
- Adapter sa communication au public
- Inspirer et rassembler les personnes
Créer des liens et collaborer
- Ecouter activement et encourager le dialogue
Construire un environnement inclusif et de confiance
Comme évoqué dans le paragraphe précédent, la CNV nous invite à nous connecter à nous et à nos ressentis pour mieux nous comprendre et nous connaître. Mais elle invite aussi à se connecter à l’autre … aux autres. Parce que, qu’on le veuille ou non, l’interdépendance entre les êtres humains est une réalité de nos vies. Chaque action qu’une personne fait à un instant et un endroit donnés a un impact sur l’environnement dans lequel elle vit … et les personnes qui partagent cet environnement.
L’intention principale de la CNV est de prendre soin de la qualité de nos relations
Le 2ème module de base de la CNV nous fait découvrir et expérimenter les vertus de l’écoute empathique qui consiste à voir l’autre tel qu’il est et à entendre ce qu’il vit et ressent au plus profond de lui … sans nécessairement le comprendre rationnellement.
L’écoute empathique est une écoute sans projet envers l’autre, pour accueillir la réalité de ce qu’il vit
En apparence, ça peut sembler simple à faire. La réalité est pourtant bien plus complexe qu’il n’y paraît et la quasi-totalité des participants à des stages de CNV peuvent en témoigner pour l’avoir identifier et expérimenter dès les premiers jours de formation. Et ne croyez-pas que ceux qui participent à des stages de CNV ont des lacunes en termes d’écoute que les autres n’ont pas. Ils sont comme la majorité d’entre nous parce que c’est ce que nous avons tous appris depuis qu’on est petit et c’est surtout ce qu’on voit autour de nous dans la plupart des situations.
“La majorité d’entre nous n’écoute pas pour comprendre, nous écoutons pour répondre” (Steven Covey)
En observant les conversations autour de moi depuis que j’ai commencé la CNV - et en m’observant moi-même d’ailleurs - j’en suis arrivé à la conclusion qu’il est plus compliqué pour la plupart d’entre nous d’écouter activement et en silence pour comprendre ce que l’autre vit que d’intervenir dans l’échange pour répondre en y mettant une part de nous.
Et la raison est simple, comme évoqué plus haut. Pour la majorité d’entre nous, on ne nous a pas appris, lorsqu’on écoute, à ne pas mêler notre propre histoire et nos propres ressentis.
La preuve, il est très courant pour l’immense majorité d’entre nous d’interrompre les autres avant même qu’ils aient complètement fini de s’exprimer. Et quand on prend la parole, il est fréquent que l’on donne des conseils.
Il peut aussi nous arriver que l’on pose des questions qui sont, au mieux, pour comprendre un peu mieux le déroulé de l’histoire mais qui peuvent être perçu par l’autre comme un interrogatoire pour déceler le vrai du faux.
On a parfois l’élan de vouloir raconter notre propre expérience alors que la personne en face n’a pas fini la sienne et ne nous l’a pas demandé … ou carrément de changer de sujet.
De temps en temps également, on minimise les ressentis de l’autre ou on le console.
Et quand on est vraiment contrarié par la situation ou quand on cherche à faire réagir l’autre, on peut glisser quelques phrases culpabilisantes ou faire la morale à propos d’une action passée.
Est-ce que tout ça vous parle ? J’imagine que oui. Et pour de bonnes raisons. Parce qu’agir ainsi, même si c’est par habitude et automatisme, nous permet de satisfaire certains de nos besoins. Et il est probable que notre intention soit le plus souvent bienveillante. Mais ces interventions sont-elles vraiment au service de l’autre personne impliquée dans le dialogue ?
L’écoute empathique permet de nous relier à l’autre pour initier un dialogue constructif
La CNV permet de prendre conscience que pour initier un dialogue ouvert et constructif, il est préférable que les protagonistes de l’échange aient la disponibilité intérieure suffisante. C’est ce que le 3ème module de base de CNV permet d’aborder en donnant quelques clés pour initier et entretenir un dialogue de qualité où chacun trouve sa place autant dans l’expression de soi que dans l’écoute de l’autre.
Un leader doit être une force vive et active de l’entreprise
Comme évoqué dans les paragraphes précédents, la CNV nous invite à privilégier la qualité de la relation aux résultats qu’on en attend. Pour autant, contrairement à ce que certaines personnes pensent à propos de la CNV, ça ne veut pas dire que les résultats ne sont pas importants.
“ Il n’y a pas de conflit au niveau des besoins. Il n’y a des conflits qu’au niveau des stratégies ” (Marshall Rosenberg)
Mais ce qui est sûr, c’est qu’une personne qui cherche à créer des relations de qualité, sereines et dans la réciprocité, aura de bien meilleurs résultats tant relationnels qu’opérationnels qu’une personne dont le seul et unique objectif est l’obtention d’un résultat.
Donc, ce dont je suis convaincu, c’est qu’un leader avec les habiletés qu’offre la CNV aura un impact positif sur l’entreprise et notamment sur les éléments suivants que le modèle de Leadership d’Airbus met en avant :
Explorer le futur
Etre orienté client
- Ecouter, comprendre et anticiper ses besoins
- Etablir des relations solides
Décider et garantir les résultats
Être responsable
En pratique, la CNV ne donne pas les clés pour passer à l’action. Parce que les clés, c’est chacun d’entre nous qui les avons. La CNV, comme d’autres outils d’ailleurs, considère que nous avons tous et toutes les ressources pour agir en conscience de ce qui est important pour nous et notre entourage.
Mais alors, quels sont les risques pour l’entreprise ?
Tout ça peut paraître un peu trop beau et on peut légitimement se demander pourquoi la CNV est si peu répandue en entreprise.
" Alors, en pratique, où est-ce que ça coince ? "
La CNV peut réveiller les consciences
La proposition de la CNV d’être à l’écoute de ce que nous fait vivre notre environnement extérieur nous amène, chaque jour un peu plus avec l’expérience, à identifier ce qui est important pour nous. Et ce que certaines personnes vont mettre en lumière d’essentiel à leurs vies peut leur faire prendre conscience que le mode automatique dans lequel elles sont depuis des années n’est plus compatible avec leurs aspirations profondes. Comme la CNV invite à l’action, des conséquences possibles pourraient être des prises de décision qui, en apparence, pourraient ne pas être bénéfiques à l’entreprise.
La CNV peut être, pour certaines personnes, un révélateur d’une situation d’inconfort qui n’attendait qu’à être identifiée
J’imagine que certains dirigeants d’entreprise, managers ou responsables des ressources humaines ne sont pas prêts à ça et peuvent avoir quelques craintes que cela arrive parmi leurs collaborateurs.
" Mais vaut-il mieux garder dans ses effectifs une personne démotivée et qui ne se sent pas à sa place (mais qui n’en a pas conscience) que voir partir une personne malheureuse qui aspire à un bonheur que son entreprise ne peut pas lui offrir ? "
La CNV nous invite à célébrer ce qui va bien dans notre vie
La contrepartie positive à ces prises de conscience parmi les collaborateurs de l’entreprise, c’est que ceux qui auront plus de clarté à propos de leurs besoins et qui les verront nourris par l’entreprise dans laquelle ils travaillent auront encore plus de gratitude et de reconnaissance vis-à-vis d’elle et de motivation à y rester et à s’y impliquer.
La CNV peut amener plus d’affirmation de soi
Être à l’écoute des autres, de manière sincère et authentique, incite généralement les personnes écoutées à s’exprimer et à affirmer leurs points de vue. Et j’imagine là aussi que certaines personnes en entreprise peuvent avoir quelques craintes à accueillir et gérer les expressions authentiques. Parce qu’en apparence, ça peut sembler plus difficile à gérer qu’un statut-quo silencieux. Je vous invite cependant à prendre un peu de temps pour répondre à cette question :
“ Dans l’intérêt de l’entreprise et de sa performance, est-il préférable d’avoir des collaborateurs soumis et passifs que des collaborateurs affirmés et constructifs ? ”
La CNV permet d’accueillir les différents points de vue et collaborer dans la confiance
Je conclurai ce post en partageant encore une fois ma conviction concernant les vertus de la CNV en entreprise. Il a été prouvé par de nombreuses études que les équipes les plus performantes sont celles où il y a le plus de diversité. Ce sont celles aussi qui sont parmi les plus difficiles à gérer et à faire fonctionner parce qu’il faut savoir faire coopérer et collaborer des points de vue différents … et parfois même opposés.
La CNV est un outil extrêmement puissant autant pour libérer la parole que pour fluidifier les échanges entre les personnes et mettre les individus en mouvement. Alors si vous souhaitez améliorer la performance relationnelle et opérationnelle de votre entreprise, vous pouvez continuer à faire ce que vous avez toujours fait ou vous pouvez essayer de faire les choses différemment parce que, comme le disait Einstein :
“La folie, c’est de faire la même chose encore et encore, en espérant un résultat différent”
Olivier Babando
Formateur certifié du CNVC (Center for NonViolent Communication)
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Pourquoi est-ce que j'ai fait le choix de ne pas utiliser l'écriture inclusive ?
(*) “Si tu n’inclus pas volontairement, tu risques d’exclure involontairement”.
La CNV m’a appris ou, plus exactement, m’a donné envie de veiller à inclure le plus grand nombre. Je me suis donc questionné sur le choix de l’écriture inclusive pour écrire ce post. Après plusieurs échanges avec des personnes aux sensibilités différentes, je me suis rendu compte que l’écriture ordinaire ne permet pas à certaines personnes de se sentir considérée et incluse. Cependant, l’écriture inclusive qu’une majorité de ces personnes souhaitent promouvoir peut générer des sentiments similaires chez d’autres.
Je me sens démuni et face à un dilemne pour lequel je ne vois pas de solution. J’ai donc fait le choix d’écrire le post en écriture ordinaire en espérant que les partisans de l’écriture inclusive pourront lire derrière les mots ma réelle intention d’inclure tout le monde.
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