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Olivier Babando

Une belle histoire d’amitié grâce à la CNV


Deux hommes de dos qui se tiennent par les épaules


Si on me demandait de ne conserver qu’une anecdote de ma vie pour illustrer les vertus de la CNV et les risques lorsqu’on ne la vit pas dans ses relations avec son entourage, ce serait sans hésiter la relation que je vis avec mon meilleur ami (que j’appellerai Toni) depuis presque 30 ans.


Des débuts compliqués


J’ai rencontré Toni lorsque je suis arrivé à Toulouse, pour finir mes études d’ingénieur. C’était en 1996. Plus exactement, c’est Pascale, celle qui allait devenir ma femme, qui l’avait rencontré un an plus tôt. Ils étaient dans la même classe et j’ai donc connu Toni par l’intermédiaire de Pascale.

Dès les premières courtes rencontres, je l’ai détesté. Parce que Pascale le détestait. Il s’était mis en couple avec la meilleure amie de Pascale (que j’appellerai Lauriane), et lui avait donc volé une bonne partie du temps qu’elle passait avec elle. Une bonne raison pour elle, et donc pour moi, de le détester. Les 3 années d’école se sont passées de la même manière. Ca aurait pu être dans l’indifférence la plus totale mais c’était plutôt dans le mépris mutuel.


Avec le recul, je mesure à quel point nos habitudes relationnelles ont tué dans l'œuf toutes possibilités d’une connexion entre nous à laquelle la CNV nous invite.

A l’inverse, je suis tombé dans le piège de cette communication que nous sommes nombreux.ses à pratiquer et j’ai cru aux critiques et jugements que Pascale exprimait à propos de Toni sans le discernement (que je n’avais pas à l’époque) que tout cela parlait d’elle et de la souffrance que la relation entre Toni et Lauriane lui faisait vivre.


Le début d’une amitié sincère


Etant tous les deux ingénieurs dans une ville très orientée aéronautique, nous naviguions dans les mêmes environnements professionnels et personnels. Et par une amie commune, nous nous sommes croisés à nouveau quelques années après être sortis de l’école, à l’occasion d’un anniversaire. Et là, l’histoire a pris une toute autre tournure. Sans que ni lui ni moi ne sachions l’expliquer, nous nous sommes rencontrés “réellement” pour la 1ère fois de notre vie et on s’est en réalité rendu compte que tout nous rapprochait.


Une complicité naturelle, que je n’ai jamais vécu avec personne d’autre, existait entre nous.

S’en est suivi de nombreuses années, jalonnées d'innombrables soirées, week-ends et vacances festives.


En 2003, Eléis est née. Par la relation fusionnelle qui nous reliait, autant Toni et moi que Pascale et Lauriane, ils sont naturellement devenus le parrain et la marraine d’Eléis. Et les années ont suivi sur le même rythme de soirées et d’événements festifs nourrissant chaque fois un peu plus le lien d’amitié l’un envers l’autre. L’arrivée d’Auréa ne changea rien à ça. Au contraire même. N’arrivant pas à avoir d’enfant, le lien qu’ils avaient avec nos filles renforçait encore un peu plus nos liens d’amitié.

A cette époque, la CNV n’était pas rentrée dans nos vies. Mais comme tout nous rapprochait et que la vie nous offrait des opportunités de satisfaire beaucoup de nos besoins, l’amitié qui nous liait et les nombreuses expériences de vie nous permettaient de dépasser les jugements que notre communication pouvait nous faire avoir l’un envers l’autre.


Le début de la fin


Contre toute attente, en 2009, Maéva est née alors que Toni et Lauriane pensaient ne jamais avoir d’enfants biologiques. A partir de ce jour, nos relations se sont dégradées. Les soirées et les moments partagés étaient plus rares et plus aussi festifs, détendus et joyeux qu’avant. Ses difficultés à vivre de la sérénité dans son rôle de père et mes certitudes sur la bonne manière d’éduquer un enfant ont eu raison de notre amitié (ou, plus exactement, de notre relation). Trop blessé par les jugements qu’ils pouvaient ressentir de ma part concernant son rôle de père, Toni a décidé de couper les ponts avec moi en 2012 après une soirée compliquée pour chacun d’entre nous et un échange par mail dont la teneur et les propos ne pouvaient amener qu’à cette conclusion.

En réalité, et c’est seulement quelques années après que j’en ai pris conscience, ce ne sont pas véritablement nos désaccords sur les modèles éducatifs qui ont eu raison de notre amitié.


Notre relation s'est dégradée par le fait que nous ne savions pas exprimer nos inconforts et différences de point de vue autrement que par des jugements envers l’autre.

J’aurais aimé être rassuré que notre amitié comptait toujours pour lui malgré l’arrivée de Maéva et lui, vraisemblablement, aurait aimé être accueilli dans ses choix et l’importance que son tout nouveau rôle de papa avait dans sa vie.


Les risques d’une communication “chacale”


Le début de cette anecdote illustre les habitudes relationnelles que nous sommes nombreux.ses à connaître et appliquer depuis qu’on est tout petit.e. Celles-ci sont représentées par le mode “chacal” en Communication NonViolente.


Le chacal n’est pas une mauvaise personne. Il a juste une manière de vivre les expériences de la vie et d’exprimer son vécu sous forme de jugements

Le chacal est déconnecté de ces ressentis et de ce qu’il aspire à vivre. Et figurez-vous qu’on a tou.te.s une part chacale en nous parce que c’est le seul modèle de communication que l’on nous apprend, pour la majorité d’entre nous, dès que nous arrivons sur cette terre.

Le tragique de cette manière de communiquer, c’est que de très belles amitiés peuvent s’abîmer voire se détruire par notre incompétence à nous relier de coeur à coeur et oser dire à l’autre, autrement qu’avec des jugements, nos aspirations de vie avec la vulnérabilité la plus sincère.


10 ans d'amitié perdus


S’en est suivi une dizaine d’années où nos chemins ne se sont que trop peu souvent croisés. Au début jamais puis, avec le temps, certains de nos amis communs, pour des anniversaires importants, ont tenté des rapprochements. Cependant, rien n’y faisait, bien que nous passions à chaque fois d’excellents moments, comme des souvenirs du bon vieux temps. Autant mon orgueil que sa crainte de voir raviver la blessure qui l’avait fait tant souffrir quelques années auparavant annihilaient toutes les tentatives de réconciliation de nos ami.e.s.

La CNV est entrée dans ma vie et malgré une envie de ma part de réparer les pots cassés, ce sujet n’a été que très rarement au centre de mes pratiques. La CNV est aussi entrée dans la vie de Toni (et j’apprendrai plus tard que mon parcours personnel l’avait en partie inspiré) et comme il nous arrivait de nous croiser de temps en temps dans des événements CNV, j'espérais au fond de moi que les habiletés qu’il me voyait acquérir allait le rassurer à revenir vers moi. Ce ne fut pas le cas.


Le déclic intérieur


A la fin de l’année 2021, tout a basculé. L’animateur de la rencontre du groupe de pratique auquel je participais nous a proposé un exercice sur les besoins. Il nous a demandé de choisir un besoin qui nous parlait et un qui nous parlait moins et d’exprimer à notre binôme pourquoi le choix de ces besoins. Après avoir parlé pendant quelques minutes sur le besoin de complicité, essentiel à ma vie et à mon bien-être, j’ai exprimé pendant quelques minutes à ma binôme que je n’étais pas sûr de vraiment savoir ce que c’est de vivre le besoin de ‘faire le deuil’, n’ayant eu que peu de décès dans ma vie et encore aucun de personnes dont je suis très proche.

L’exercice aurait pu se terminer comme ça mais ma binôme m’a simplement demandé, au moment de clore l’exercice : “et avec tes ami.e.s ?” J’ai alors été submergé par une vague d’émotions qui m’a fait couler des larmes. Le message était clair et le lien avec mon ami Toni l’était tout autant même si mon cerveau était déstabilisé par une telle intensité à propos d’un sujet sur lequel je pensais avoir de la clarté.


Quand les messages du corps sont plus forts


Alors même que j’ai très souvent été en lien avec mes émotions et mes ressentis corporels durant mes nombreuses pratiques de CNV, j’ai vraiment totalement mesuré à l'occasion de cette pratique l’évidence des messages lorsqu’ils viennent du plus profond de notre corps.


J’ai eu la confirmation que lorsque le mental ne comprend pas, le corps sait.

Quand j’y pense maintenant avec du recul, quelle ironie de prendre dans la même pratique le besoin de ‘complicité’ essentiel à ma vie que j’ai tant nourri avec Toni il y a quelques année et celui de ‘faire le deuil’, ce que je pensais avoir fait dans cette relation depuis si longtemps en pause.


2 semaines après, l’animatrice de notre groupe de pratique autogéré nous a proposé une pratique sur les parts de soi. L’expérience de la précédente rencontre m’a donné envie d’en découvrir un peu plus. Et là encore, la magie de la CNV a opéré. Les récents progrès et prises de conscience que mes pratiques m’avaient permis de faire à propos du lien avec les ressentis et les messages corporels m’ont permis de me laisser toucher pleinement par ce qui m’a habité pendant cette pratique. J’ai pu identifier et mesurer l’importance que cette relation avait dans ma vie et que j’étais profondément triste de ne plus avoir de lien avec celui qui, dans mon cœur et malgré les circonstances est, et a toujours été, mon meilleur ami. J’ai aussi pu réaliser que j’étais blessé de ne pas être vu par lui dans les efforts que je déployais pour changer et la transformation que ces années de pratique m’avaient apportée.


Les vertus d’un communication “girafe”


Le lendemain matin, j’ai laissé un message vocal à Toni pour lui exprimer de manière authentique toutes ces prises de conscience de ces récentes pratiques. Il a été touché par mon message parce que, contrairement à ce qui s’était passé 10 ans auparavant, je lui ai parlé de moi et de mes aspirations, en toute vulnérabilité, sans exprimer le moindre jugement.

Il a accepté qu’on se revoit pour déjeuner ensemble au restaurant. On a beaucoup parlé mais surtout on s’est beaucoup écouté. Et le lien et la complicité sont revenus. On s’est ensuite revu à plusieurs reprises, seuls d’abord puis avec nos femmes. Et quelques mois après, ce sont nos 2 familles réunies qui se sont retrouvées à nouveau, avec Marcus leur 2ème enfant que nous n’avions jamais vu.

Depuis, on se croise très régulièrement, à l’occasion de soirées ou de sorties en ville seuls, en couple ou entre ami.e.s.


Je suis convaincu que notre lien et notre amitié sont encore plus forts que précédemment grâce aux épreuves que cette expérience nous a fait vivre

Nos habiletés de la CNV nous ont permis de tirer les leçons de nos expériences et de transformer nos jugements en opportunités pour chacun de ‘nous connecter à soi, à l’autre et prendre soin de la relation’.



Olivier Babando formateur en Communication NonViolente
Olivier Babando

Formateur en Communication NonViolente certifié par le CNVC (Center for NonViolent Communication)



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